Un accord prometteur sur la fiscalité mondiale

Les ministres des finances du G7 ont défini, samedi 5 juin, à Londres, un cadre pour l’imposition des multinationales et un taux minimum commun pour l’impôt sur les sociétés. Il faut maintenant rendre cette intention concrète pour contrer le dumping fiscal.

Publié le 07 juin 2021 à 09h50 - Mis à jour le 07 juin 2021 à 15h45 Temps de Lecture 2 min.

Editorial du « Monde ». L’initiative prise, samedi 5 juin, par les ministres des finances du G7 constitue une étape décisive vers un bouleversement du fonctionnement de la fiscalité mondiale. En soutenant l’idée d’instaurer un taux minimal d’imposition sur les bénéfices des multinationales, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, l’Allemagne, la France, l’Italie et le Japon se donnent enfin les moyens de porter un coup d’arrêt à la course au moins-disant fiscal qui a dominé l’économie mondiale ces dernières décennies.

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La réforme s’articule autour de deux axes. Le premier vise à accorder de nouveaux droits à taxer aux pays dans lesquels les multinationales ont leurs clients et leurs marchés sans y avoir ni siège, ni implantation. Les sommes seront ensuite partagées entre les Etats selon une clé de répartition qui reste à définir.

Le second axe porte sur un taux d’impôt minimum à proprement parler. Une grande entreprise qui choisit d’établir son siège dans une juridiction à faible imposition devra verser la différence entre le taux pratiqué dans ce pays et le taux en vigueur dans celui où elle réalise effectivement ses bénéfices. Grâce à ces nouvelles règles, les grandes entreprises n’auraient plus d’intérêt à manipuler leur comptabilité pour concentrer leurs profits dans des paradis fiscaux. Chaque pays deviendrait percepteur de dernier ressort, ce qui lui permettrait de contrer le dumping fiscal des autres.

Ambitions revues à la baisse

S’il faut saluer le principe de ce basculement, la prudence reste de mise sur les modalités d’application qui seront discutées dans le cadre du G20 finances des 9 et 10 juillet, à Venise (Italie). D’abord, se pose la question du nombre d’entreprises concernées. Pour le premier volet, le chiffre d’une centaine d’entreprises est évoqué. Cela reste peu au regard du nombre de multinationales qui abusent de l’optimisation fiscale, d’autant que certains secteurs, comme les industries minières et extractives, seront exclus du dispositif. Par ailleurs, un intense lobbying est à l’œuvre pour exempter les sociétés financières. Ce n’est pas justifiable. Les négociateurs devront également être vigilants sur la clé de répartition du produit de l’impôt, afin que les pays en développement captent leur juste part.

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Enfin et surtout, le montant du taux minimum reste à fixer. Sur ce plan, les ambitions ont été déjà révisées à la baisse, au grand dam de beaucoup d’organisations non gouvernementales. Début avril, les Etats-Unis évoquaient un taux de 21 %. Deux mois plus tard, il n’est plus question que d’un taux d’« au moins » 15 %.

Google, Amazon ou Facebook ont salué les travaux du G7. Mais si cette réforme est aussi bienvenue que ces entreprises le proclament, pourquoi ont-elles déployé autant d’imagination pour payer le moins d’impôts possible ces dernières années ? Leur enthousiasme relève-t-il du cynisme ou bien d’un soulagement par rapport à l’ampleur d’une réforme qui aurait pu être beaucoup plus dommageable pour leurs profits ?

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Le projet reste néanmoins prometteur. Théoriquement, une fois le principe acquis de façon coordonnée au niveau international, chaque pays pourra aller de son propre chef au-delà des 15 %. Les opinions publiques ont donc la possibilité de continuer à faire pression sur leurs dirigeants pour qu’il y ait le moins de distorsion possible entre le taux d’impôt payé par les géants du numérique et une PME locale. Plus qu’un cadre rigide, cette réforme impulse une dynamique. Les dirigeants doivent maintenant avoir le courage de s’en saisir pour reprendre le contrôle d’une fiscalité qu’ils ont laissée échapper pendant trop longtemps.

Le Monde

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