Edito

Un seuil minimum mondial d’impôts contre une terrible injustice

Pour une fois, beaucoup en Europe ont un intérêt fiscal commun avec les Etats-Unis, avec la taxation des profits des grandes entreprises.
par Dov Alfon
publié le 3 juin 2021 à 21h18

Je voudrais vous vendre pour 100 euros un petit bikini avec un gros logo, cher lecteur, chère lectrice. Il me coûte 20 euros, et je vais donc devoir payer des impôts considérables sur ce bénéfice. Or, je n’aime pas payer d’impôts. Je vais donc vendre mon bikini 21 euros à une compagnie subsidiaire que je possède aux Bahamas, et c’est cette compagnie qui vous le vendra en France pour 100 euros. Bingo : alors que je devrais payer à Bercy 22 euros par bikini, je ne paie que 0,28 euro. Impossible, dites-vous ? Alors laissez-moi vous vendre une licence de logiciel, par exemple Office ou Word. Ce logiciel est développé aux Etats-Unis, en Israël et en France, mais c’est une compagnie subsidiaire qui va vous envoyer la facture, et celle-ci, qui répond au doux nom de Microsoft Round Island One, est basée à Dublin, dans l’UE. Ses bénéfices déclarés pour 2020 étaient de 259 milliards d‘euros, presque autant que le PIB de l’Irlande tout entière. Or, cette compagnie a payé l’année dernière moins d’impôts que vous : 0 euro, pour être précis. Impossible, dites-vous encore ? Je pourrais peut-être vous rappeler Google, Netflix, Amazon, Apple ou Facebook. Voici un chiffre qui les décrit le mieux : en 2020, ces compagnies ont payé en moyenne 3,6 % d’impôts. Impossible encore ? C’est exactement ce que va expliquer le président américain Joe Biden à ses homologues du G7. Il s’agit pour lui d’arriver à un accord sur un seuil minimum mondial d’impôts pour contrer de possibles délocalisations fiscales de compagnies américaines dont il compte bien augmenter les impôts fédéraux plus tard. C’est ce qui rend cette idée si attrayante : pour une fois, beaucoup en Europe ont un intérêt fiscal commun avec les Etats-Unis. Bien sûr, vous allez entendre des voix vous expliquer que cette idée est irréalisable ; mais si engranger des milliards de bénéfices sans payer d’impôt est possible, le contraire l’est aussi, et signalerait la fin d’une terrible injustice sociale.