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Présidentielle

Présidentielle 2022 : l’immigration est-elle vraiment la préoccupation première des Français ?

Le candidat au congrès LR Eric Ciotti a assuré dimanche soir que l’immigration était le thème majeur que les Français souhaitent voir porter dans cette campagne présidentielle, à rebours de ce que disent la majorité des enquêtes d’opinion.

Les candidats à la primaire LR ont longuement débattu dimanche soir sur le plateau de BFMTV. Une grande partie de l'émission était consacrée à l'immigration et la sécurité. AFP/Thomas Samson
Les candidats à la primaire LR ont longuement débattu dimanche soir sur le plateau de BFMTV. Une grande partie de l'émission était consacrée à l'immigration et la sécurité. AFP/Thomas Samson

Éric Ciotti a pris soin de se démarquer de ses concurrents dimanche soir lors du deuxième débat des candidats au Congrès LR. Alors que tous prenaient leurs distances avec Éric Zemmour, de façon plus ou moins assumée, lui s’est montré bien plus avenant à l’endroit du polémiste. Pour lui, pas question d’en rajouter après la visite polémique du presque candidat devant le Bataclan. Les deux hommes partagent un constat identique : la campagne présidentielle se jouera sur un thème majeur, l’immigration.

Sur le plateau de BFMTV, Éric Ciotti l’a parfaitement assumé. « Pourquoi l’immigration constitue la première préoccupation des Français ? Parce que nos concitoyens se posent une question simple : est-ce que le pays que nous avons en héritage, cette France des lumières, cette France d’une civilisation judéo-chrétienne, demain sera toujours fidèle à elle-même, comme le disait le général de Gaulle ? »

Les enquêtes se contredisent

Éric Zemmour dit sensiblement la même chose. Il martèle depuis le début de sa « campagne » que le vainqueur de l’élection présidentielle sera celui qui « impose sa question, à laquelle il a la réponse ». Sa question est toute trouvée, il s’agit de « l’existence du peuple français ». Mais les Français partagent-ils ces angoisses ? Aucune des enquêtes d’opinion réalisées depuis le début de la campagne ne place l’immigration comme sujet de préoccupation majeure des Français. En réalité, les études placent désormais alternativement les thèmes du pouvoir d’achat ou de la sécurité en première position.

Le 20 octobre dernier, un sondage Elabe pour BFMTV faisait du pouvoir d’achat, et de très loin, le thème « qui comptera le plus dans le choix des électeurs ». 45 % des personnes interrogées (sur un échantillon représentatif de 1002 personnes) plaçaient le pouvoir d’achat dans les trois thèmes les plus importants. 23 % des sondés le plaçaient en première position. C’est bien plus que la sécurité (30 % dans les trois premiers, 10 % en premier) et l’immigration. 27 % des sondés classaient cette dernière thématique dans les trois sujets majeurs de la campagne et 9 % d’entre eux en faisaient le thème majeur.

Une enquête OpinionWay publiée le 1er octobre pour Les Échos et CNews donnait cette même tendance. Le pouvoir d’achat arrivait en tête des préoccupations, devant la sécurité, la protection sociale et l’immigration. Sauf qu’aucun thème ne s’imposait véritablement sur les autres, avec neuf sujets jugés prioritaires par plus de 30 % des Français. « On observe une vraie nouveauté cette année, assurait alors au Parisien Frédéric Micheau. Il n’y a pas un thème qui domine ou écrase les autres. »



Car d’autres études font de la sécurité le sujet majeur de cette campagne. Une enquête Kantar Public pour l’Hémicycle et Epoka, rendue publique le 21 octobre, renverse ce classement en plaçant en tête la sécurité au quotidien (24 %), devant la transition écologique (21 %) et la gestion de l’immigration (à égalité à 21 %). Six jours plus tard, une enquête réalisée par la Fondapol pour Le Figaro dressait un constat identique. 51 % des électeurs faisaient de la lutte contre la délinquance une priorité (+ 5 points en cinq mois), loin devant la réduction des inégalités sociales (43 %, en baisse de deux points) et l’immigration (42 %, en hausse de cinq points).

« Ne pas donner l’impression que nous sommes obsédés »

Difficile de dire avec certitude si les Français sont ou non en train de bouleverser leurs priorités. Un autre sondage Ifop-fiducial pour TF1 et LCI réalisé le 20 octobre donnait bien la santé comme sujet déterminant, devant la lutte contre l’insécurité et celle contre le terrorisme. Les Français sont encore nombreux à ne pas s’intéresser à la présidentielle et le terrain de campagne paraît encore très mouvant.

Dimanche soir, les candidats au Congrès LR ont passé près de 60 % du temps de leur débat à parler d’immigration ou de sécurité. Certains à droite aimeraient que les autres thèmes soient davantage exposés. « Je pense que l’on devrait parler dimanche prochain (pour le troisième débat) de sujets comme le logement, la santé, le réchauffement climatique, relève Philippe Juvin. J’espère que les deux prochains débats porteront aussi sur ces thèmes. Nous sommes une droite de gouvernement, nous devons aussi gouverner sur ces immenses sujets. »

Dans l’équipe de Michel Barnier, on espère aussi que les thématiques, ou plutôt l’ordre des thématiques, varieront lors des deux prochains débats. « L’immigration et la sécurité correspondent à des préoccupations des Français, mais il est évident que nous devons aussi parler des autres sujets, relève Daniel Fasquelle, porte-parole de l’ancien monsieur Brexit. Nous ne devons pas donner l’impression que les candidats LR sont obsédés par ces sujets alors que nous travaillons sur tous les thèmes d’une campagne. La première préoccupation des Français, c’est le pouvoir d’achat. Peut-être aurait-il été préférable de ne pas démarrer le deuxième débat sur l’immigration et la sécurité. »

La tonalité diffère dans l’équipe de Xavier Bertrand. « Si les chaînes et les téléspectateurs aiment entendre parler de ces sujets, cela veut dire qu’il y a une faillite criante depuis dix ans sur la sécurité et l’immigration, relève de son côté le député Pierre-Henri Dumont, porte-parole du candidat. Si tout allait bien, on n’en parlerait pas. » Si l’immigration n’apparaît jamais comme la principale préoccupation des Français, c’est finalement peut-être celle des candidats… et des médias.