Présidentielle 2022 : la cinquième vague de Covid-19 risque-t-elle de "bouffer la campagne" ?

Article rédigé par
Thibaud Le Meneec - franceinfo
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min.
Une militante du Rassemblement national aux Universités d'été du parti, à Fréjus, le 12 septembre 2021. (VALERY HACHE / AFP)

La reprise de l'épidémie, à quatre mois de l'élection, préoccupe les équipes des différents candidats. Les meetings sans jauges se retrouvent menacés. Et le numérique devrait avoir une importance grandissante.

Ce lundi 29 novembre, ils sont plus de 700 à s'être engouffrés au Carré Belle-Feuille, à Boulogne-Billancourt, pour assister au dernier meeting de Valérie Pécresse avant le congrès des Républicains. Face à la présidente de la région Ile-de-France, les sympathisants de droite occupent chaque fauteuil de la salle francilienne. Quelques dizaines de personnes sont même debout dans les allées latérales, masques sur le nez, à l'abri du froid qui s'est abattu en ce début de semaine sur Paris et sa banlieue.

Une situation impensable il y a encore quelques mois, lorsque la campagne des régionales se menait avec des jauges minimales en intérieur et en extérieur. Mais la cinquième vague de Covid-19 et la menace du variant Omicron frappent désormais à la porte de l'élection présidentielle. Ainsi, le premier meeting de Valérie Pécresse, tout juste investie par LR, ne se déroulera pas "en présentiel" comme prévu, le samedi 11 décembre, en raison de la forte poussée épidémique. Pour l'heure, cependant, il n'est officiellement pas question de réduire le public autorisé lors des meetings.

"Rien n'est exclu de manière ferme et définitive, mais pour l'instant ce n'est pas sur le haut de la pile."

Un conseiller ministériel

à franceinfo

Dont acte pour les formations politiques, qui enchaînent aujourd'hui les petites réunions publiques sans distanciation physique ni limite d'affluence. "On ne va pas être plus royaliste que le roi sur les consignes", se défend Pierre-Henri Dumont, député du Pas-de-Calais et proche de Xavier Bertrand, éliminé au premier tour dans la course à l'investiture de la droite. "On est dans l'expectative", renchérit Boris Vallaud, porte-parole d'Anne Hidalgo, alors qu'un conseil de défense sanitaire doit se tenir lundi 6 décembre.

Pas d'obligation de pass sanitaire

L'expectative, cela prend donc la forme de salles pleines avec le masque pour tout le monde à l'intérieur, en théorie. Avec une nuance, selon la personnalité politique supportée : montrer ou non son pass sanitaire à l'entrée. La République en marche, Les Républicains ou encore le Parti socialiste demandent aujourd'hui le précieux sésame pour autoriser l'accès à leurs événements. A l'inverse, il n'y a pas eu de vérifications des pass sanitaires à l'entrée des grands meetings de Jean-Luc Mélenchon et d'Eric Zemmour, dimanche 5 décembre.

Un flou artistique causé par un vide juridique ? Pas vraiment. Le 9 novembre, le Conseil constitutionnel a exclu les réunions politiques du champ d'application du pass sanitaire. Il est ainsi possible de demander, mais pas d'exiger le fameux QR Code d'un militant. "Il s'agit de défendre le droit d'expression collective, qui protège le droit de se réunir pour des activités politiques, syndicales et cultuelles", détaille Tania Racho, docteure en droit européen spécialisée dans les questions relatives aux droits fondamentaux.

Des évènements moins chaleureux

Pour les formations politiques qui ont choisi de demander le pass sanitaire, le but affiché est de réduire les risques de contamination lors des réunions publiques, parfois prolongés en "verres de l'amitié" ou "banquets républicains". Des formats menacés ? "On faisait des pots militants, mais on a arrêté en raison de la reprise de l'épidémie", regrette l'entourage de Valérie Pécresse.

"Lundi, pour le dernier meeting, il n'y avait pas de pot, on avait un pincement au cœur."

Un proche de Valérie Pécresse

à franceinfo

Le spectre d'un cluster n'est de toute façon jamais loin, comme ce fut le cas après le congrès des maires de France, à la mi-novembre à Paris, lorsqu'une dizaine d'élus du Cantal ont été testés positifs au Covid-19. Maire ou pas, se rendre à un événement politique représente un petit risque qui peut rebuter, concède Ian Brossat, directeur de campagne de Fabien Roussel, le candidat communiste.

"Avant un banquet à Bordeaux, la semaine dernière, des gens ont annulé leur participation, y compris des personnes d'un certain âge, car ce sont surtout des événements où on ne peut pas garder le masque."

Ian Brossat, directeur de campagne de Fabien Roussel

à franceinfo

Dans les semaines et mois à venir, le risque n'est-il pas de faire face à une salle à moitié vide, non pas en raison des jauges, mais de la réticence des citoyens les moins fervents ? "On ne sait pas si les gens vont avoir la trouille de venir à des réunions publiques", s'interroge Boris Vallaud, député des Landes, qui voit se multiplier les annulations de repas des anciens dans sa circonscription, à l'approche des fêtes de fin d'année.

Vers une campagne sur internet ?

Relégué au second rang des préoccupations à la rentrée, le Covid-19 revient sur le devant de la scène à quatre mois de l'élection présidentielle. "Ça peut un peu bouffer la campagne, prédit un membre du gouvernement. On a tenu le meeting de la Mutualité, lundi, parce qu'il était organisé de longue date, mais je pense qu'on l'aurait annulé s'il avait eu lieu plus tard. Si l'épidémie continue de monter, avec des réductions de jauges et l'application du pass sanitaire, ça peut être chiant."

L'épidémie devrait également pousser les états-majors à investir massivement d'autres terrains, numériques cette fois-ci.

"Il faudra se reporter sur les réseaux sociaux, même si rien ne vaut une réunion publique, un déplacement ou du porte-à-porte."

Boris Vallaud, porte-parole d'Anne Hidalgo

à franceinfo

"On s'attend à ce que la campagne change dans les jours qui viennent", anticipe Marine Tondelier, porte-parole de Yannick Jadot. Des ajustements nécessaires qui pourraient pénaliser une partie des seniors, moins familiers avec les plateformes Facebook, Twitter ou Discord. Et peut-être générer chez les plus jeunes une certaine lassitude après bientôt deux ans à faire de la politique à distance. "Tout le monde fait des réunions en visio et des webinaires mais à un moment les gens en ont marre", ajoute l'élue écologiste.

A défaut de pouvoir galvaniser les militants sur internet, les candidats et leurs équipes pourraient trouver dans le renforcement du tractage et du porte-à-porte une solution de secours... plus coûteuse. "Sortir plus de tracts, ça va coûter cher, d'autant plus que la crise a entraîné une hausse du prix des matières premières et notamment du papier", redoute Pierre-Henri Dumont, député LR qui participera à la campagne de Valérie Pécresse. De la même manière, si les jauges sont rétablies, devoir laisser une chaise sur deux vacante, par exemple, revient mécaniquement à rassembler moins de spectateurs pour une location de salle au prix inchangé.

Un report du scrutin inimaginable

S'ils s'attendent à une séquence politique très perturbée, les responsables interrogés n'envisagent pas un report du scrutin à ce jour. Un séisme, qui n'est techniquement pas impossible dans les faits. "Il faut quinze jours et un consensus politique pour décaler la présidentielle, avec le Parlement réuni en Congrès", se projette le constitutionnaliste Didier Maus. 

Surtout, les différents partis ne souhaitent pas vraiment que le scénario du second tour des élections municipales, repoussé de trois mois au printemps 2020, se reproduise en 2022.

"Cela reviendrait à renoncer à l'élection la plus structurante de la vie politique."

Ian Brossat, directeur de campagne de Fabien Roussel

à franceinfo

"Il y a des pays qui ont organisé des élections malgré le Covid-19 et qui y sont parvenus", assure Marine Tondelier, évoquant le cas de l'Allemagne ou des Etats-Unis. Au rendez-vous d'une élection capitale en pleine épidémie, la France peut-elle y arriver à son tour ?

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