Publié le 22 décembre 2021 à 14h23

Présidentielle : l’Arménie, un symbole prisé des candidats

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Après Éric Zemmour, Valérie Pécresse effectue une visite en Arménie, un petit pays chrétien qui est un symbole aux yeux de plusieurs candidats à la présidentielle.

Valérie Pécresse, candidate des Républicains à la présidentielle, effectue, depuis lundi, une visite en Arménie, où s’était également rendu, il y a quelques jours, Éric Zemmour.
Valérie Pécresse, candidate des Républicains à la présidentielle, effectue, depuis lundi, une visite en Arménie, où s’était également rendu, il y a quelques jours, Éric Zemmour. (AFP)

Le candidat d’extrême droite Éric Zemmour s’y est rendu mi-décembre, celle de la droite traditionnelle Valérie Pécresse y est arrivée lundi. L’Arménie s’affirme comme une destination prisée des candidats à la présidentielle française, désireux de défendre les chrétiens d’Orient.

L’ex-polémiste en avait fait son premier déplacement à l’étranger, sur le thème de « la guerre de civilisation ». L’Arménie, « une terre martyre », est « en danger », avait lancé cet adepte de la théorie complotiste du « grand remplacement » des populations européennes par des immigrés.

Coincée entre la Turquie, à l’ouest, et l’Azerbaïdjan, à l’est, deux pays musulmans, l’Arménie, premier État chrétien de l’Histoire (IVe siècle), a livré, à l’automne 2020, une courte mais sanglante guerre à Bakou, soutenu par Ankara, pour le contrôle de la région azerbaïdjanaise du Nagorny-Karabakh, majoritairement peuplée d’Arméniens. Le conflit a fait 6 500 morts.

Défait, Erevan a été contraint de signer un cessez-le-feu et de céder à l’Azerbaïdjan plusieurs régions formant un glacis autour du Nagorny-Karabakh, qui s’était affranchi de la tutelle de Bakou à la chute de l’URSS. Plusieurs incidents ont, depuis, fait craindre une reprise des combats.

L’ancienne république soviétique est « une nation chrétienne (…) au milieu d’un océan islamique », avait insisté Éric Zemmour, alors que la dimension religieuse n’était pas centrale dans le conflit récent, l’Azerbaïdjan étant l’un des pays les plus laïques du monde.

Un soutien aux chrétiens d’Orient

Tout comme le candidat d’extrême droite, Valérie Pécresse inscrit son voyage dans le « soutien aux chrétiens d’Orient juste avant Noël », selon son entourage.

Éric Zemmour, accompagné de Philippe de Villiers, s’est rendu, à la mi-décembre, en Arménie, où il a, notamment, visité le monastère de Khor Virap, premier lieu saint du pays.
Éric Zemmour, accompagné de Philippe de Villiers, s’est rendu, à la mi-décembre, en Arménie, où il a, notamment, visité le monastère de Khor Virap, premier lieu saint du pays. (AFP)

À l’instar d’ÉricZemmour, qui avait assisté à une messe au monastère de Khor Virap, le premier lieu saint du pays, la candidate des Républicains (droite), visitera plusieurs sites chrétiens. Mais contrairement à son adversaire, elle rencontrera aussi le président arménien, Armen Sarkissian, puis son ministre des Affaires étrangères.

Valérie Pécresse sera reçue à Erevan en qualité de présidente de la région Ile-de-France, a expliqué une source diplomatique arménienne. « Ce ne serait pas compréhensible que les autorités arméniennes ne (la) reçoivent pas, alors qu’elles l’avaient reçue en 2018 ».

L’engouement soudain pour le petit pays caucasien semble s’inscrire dans une thématique omniprésente dans la campagne française, particulièrement à droite : l’islam.

« L’Arménie est une destination vue comme l’échauguette (un point de guet, NDLR) à l’avant-poste de la chrétienté », observe Taline Ter Minassian, une historienne spécialiste de la région, interrogée par l’AFP.

Après le Liban dans les années 1980, puis l’Irak-Syrie, où le groupe État islamique a multiplié les exactions contre les chrétiens en 2014-2015, l’Arménie devient un « nouvel enjeu d’une compétition pour capter l’électorat catholique conservateur », observe un rapport de la Fondation Jean Jaurès, la droite française ayant une « vieille tradition de protection des chrétiens d’Orient ».

A l’instar d’Éric Zemmour, Valérie Pécresse devait visiter, à Erevan, le mémorial des victimes du génocide arménien, qui fit entre 600 000 et 1,5 million de morts en 1915-1916 sous l’Empire ottoman, et qu’Ankara refuse de reconnaître, contrairement à une trentaine de pays, dont la France.

500 000 Français d’origine arménienne

À gauche, la candidate Anne Hidalgo n’exclut pas une virée arménienne. « Tout est possible, mais rien n’est évoqué dans l’agenda pour l’instant », a commenté l’entourage de la maire de Paris.

Mi-décembre, la maire de Paris avait inauguré une « esplanade d’Arménie » dans la capitale française, rappelant « l’attachement indéfectible de Paris au peuple arménien », « qui défend son droit à l’existence ». Jamais, dans son discours, la question religieuse n’avait été mentionnée.

Selon le positionnement politique, l’Arménie permet ainsi différentes grilles de lecture. « Il y a une approche honnête : c’est la démocratie face à la dictature, c’est la défense des droits de l’Homme », affirme Jules Boyadjian, le président du Comité de défense de la cause arménienne, une association française, qui salue « l’histoire particulière entre Arménie et France ».

Quelque 500 000 personnes d’origine arménienne vivraient, selon lui, en France, dont les voix pourraient aussi compter dans une élection s’annonçant serrée.

« Nous ne voulons pas enfermer la cause arménienne dans un conflit de civilisation qui vienne simplement nourrir les schémas de politique intérieure », dénonce-t-il toutefois.

Ara Toranian, le directeur du mensuel « Nouvelles d’Arménie », se veut moins définitif. « On n’est pas dans une situation où l’on peut se permettre de rejeter ceux qui nous tendent la main », soupire-t-il. « L’Arménie peut mourir du jour au lendemain tant elle est entourée de forces qui lui sont supérieures. »

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