André Comte-Sponville © Stephane Lagoutte /Challenges André Comte-Sponville

EDITO - On ne décide pas d’être de droite, de gauche ou ni l’un ni l’autre: on constate qu’on l’est devenu, pour d’innombrables raisons qui ne sont pas toutes conscientes.

Elire, c’est choisir. Mais pourquoi choisit-on tel ou tel, et comment, entre différents candidats? L’apparence physique joue moins qu’on ne pourrait le craindre. Les dents blanches de Lecanuet ne pesèrent pas lourd, lors de la présidentielle de 1965, face au général de Gaulle. Et la "sale gueule" de Nixon ne l’a pas empêché de devenir président des Etats-Unis. Tant mieux! Une élection politique n’est pas un concours de beauté. Mitterrand, entre deux élections présidentielles, ne s’en fit pas moins limer les canines, qu’il avait trop saillantes. Nous serions aussi sots de le lui reprocher que nous l’eussions été de voter pour lui pour cette raison.

Les idées, heureusement, importent davantage. On choisit celui dont on juge qu’il a les meilleures, c’est-à-dire… les plus proches des nôtres! Mais qui choisit d’avoir telle idée, plutôt que telle autre? Il faudrait se choisir soi, et c’est ce qu’on ne peut. On ne décide pas d’être de droite, de gauche ou ni l’un ni l’autre: on constate qu’on l’est devenu, pour d’innombrables raisons qui ne sont pas toutes conscientes et dont la plupart sont fort anciennes. Puis on change, là encore sans l’avoir vraiment décidé, et la "pente", comme disait le philosophe Alain, nous fait glisser plus souvent, en vieillissant, vers la droite que vers la gauche. Parce que les jeunes sont plus généreux, plus assoiffés de justice et d’idéal? Parce que les vieux sont plus réalistes, plus lucides, plus prudents? Les deux explications sont plutôt complémentaires qu’opposées: rien n’interdit qu’elles soient l’une et l’autre pertinentes.


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Aucun programme jamais n’est assuré de réussir

Quant au programme, on a raison de s’y intéresser, mais tort d’y croire tout à fait. Je me souviens que le programme commun de la gauche, en 1981, me semblait excellent. Et qu’il fut évident, dès 1983, qu’il avait échoué. Incompétence des experts socialistes et communistes? Peut-être. Naïveté de ma part? Sans doute. Mais c’est aussi qu’aucun programme jamais n’est assuré de réussir. Le réel commande. On n’a une chance de le gouverner, comme disait Bacon, qu’à condition d’abord de lui obéir. Tant mieux pour les hommes d’action. Tant pis pour les rêveurs.

Puis il y a la télévision, cette trompeuse intimité qu’elle semble instaurer et que les réseaux sociaux vont exploiter jusqu’au dégoût. Ce qu’on voit, sur un écran, ce n’est ni un programme ni une pensée: juste un individu, en gros plan. On va donc lui appliquer des critères qui valent pour juger d’un individu, lesquels seront plus souvent moraux ou affectifs que politiques: sympathique ou non, semblant sincère ou pas… Combien d’électeurs, sous la Troisième République, avaient vu Gambetta ou Poincaré? Pas un sur mille, et c’était alors de loin, à l’occasion d’un meeting. Alors qu’à l’inverse chacun de nous peut avoir, sur nos hommes et femmes politiques, comme individus, des idées plus arrêtées que nous n’en avons ordinairement sur leur programme. On juge l’un arrogant, l’autre hypocrite, le troisième trop excité ou trop agressif… J’y vois un piège plus qu’un avantage. Voyez, sur les réseaux sociaux, comme les mauvais affects l’emportent sur les bons sentiments! Mauvais symptôme, pour une démocratie. La morale ne fait pas une politique. La haine, encore moins.

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