Présidentielle 2022 : entre les abstentionnistes et ceux qui votent à chaque élection, les indécis vont faire basculer le scrutin

Présidentielle 2022 : entre les abstentionnistes et ceux qui votent à chaque élection, les indécis vont faire basculer le scrutin©Lionel BONAVENTURE / AFP

publié le vendredi 12 novembre 2021 à 15h00

Ce sont des "intermittents" des urnes : ni abstentionnistes convaincus, ni électeurs votant à toutes les élections. La campagne va être déterminante dans leur choix d'aller voter ou non.

Ils détiennent la clé de la prochaine présidentielle

Depuis la victoire d'Emmanuel Macron en 2017, l'abstention a battu des records à chaque élection, à l'exception des européennes de 2019, pour culminer lors des régionales en juin dernier (66,72% et 65,31%). Soit 31 millions de Français qui ont boudé les urnes, sur un corps électoral de 47,9 millions d'inscrits. La France a bel et bien basculé dans la "démocratie de l'abstention" décrite par les politologues Céline Braconnier et Jean-Yves Dormagen. 




Mais attention à ne pas confondre pour autant la minorité des abstentionnistes purs et durs et la grande majorité des électeurs "intermittents". Ceux-ci ont pu faire défaut en juin mais restent mobilisables si on sait trouver les bons arguments politiques. En simplifiant on peut en effet diviser l'électorat en trois blocs, en ajoutant aux deux premières la catégorie des "électeurs permanents", qui votent systématiquement à tous les scrutins (sauf accident de la vie). 

Le "noyau dur" des abstentionnistes stable

Dans une étude portant sur une séquence de quatre scrutins de 2017 (deux tours de la présidentielle et deux tours des législatives), à partir de données très complètes de l'Insee sur les comportements réels (et non des déclarations), Braconnier et Dormagen ont identifié 50,6% d'électeurs intermittents (au moins un vote mais pas 4), contre 15,6% d'abstentionnistes constants (aucun vote) et 33,8% d'électeurs permanents (ayant voté les quatre fois). 

"Le noyau dur des abstentionnistes constants, très éloignés du vote pour des raisons sociologiques, n'a pas beaucoup augmenté ces dernières années, on l'estime autour de 10 à 12%", analyse Pierre Lefébure, politiste à l'Université Sorbonne-Paris Nord. En revanche, ce qu'ont montré les municipales de 2020 et les régionales de 2021, c'est que même le socle électoral des électeurs permanents, celui des électeurs les plus politisés, militants ou sympathisants d'un parti, mais aussi des "civiques", pour qui voter reste un devoir, peut encore s'éroder, dans le contexte certes très particulier de la pandémie. 

Objet de toutes les convoitises des candidats

Le plus grand réservoir de voix se trouve donc numériquement chez les électeurs "intermittents", ceux qui, selon Pierre Lefébure, sont "plus à distance de la politique que les politisés ou les civiques, mais qui restent mobilisables par la dynamique de la campagne", et qui font donc l'objet de toutes les convoitises des candidats. "Sans invalider les logiques sociologiques de la participation (les jeunes, les moins diplômés, les classes populaires votent moins que les autres), la notion d'électeur intermittent est intéressante car elle donne une vision plus dynamique de l'abstention, plus attentive aussi à sa part circonstancielle", souligne Bruno Cautrès, chercheur au Cevipof.

Habituellement, pour la présidentielle, élection reine de la Ve République, la seule qui compte aux yeux de certains, les électeurs intermittents reviennent en effet aux urnes en réagissant "aux stimulus d'une campagne à très forte résonance médiatique qui les happe, les booste", prédit Pierre Lefébure. La présidentielle a en effet jusqu'à présent moins subi la baisse régulière de la participation qui a touché les autres types d'élection. 

Vers une abstention record en 2022 ? 

Mais, après la très bonne participation de 2007 (83,7% et 83,9% aux deux tours), celle-ci a légèrement diminué en 2012 (79,4% et 80,3% aux deux tours) puis de nouveau en 2017 (77,7% et 74,5% aux deux tours). "La présidentielle est en train d'être contaminée à son tour par la montée de l'abstention", avertit Bruno Cautrès. Il met notamment en garde pour 2022 contre un "sentiment d'impasse politique d'une partie de l'électorat qui ne voit pas d'alternative à Macron sans être convaincu par lui", et "avec des forces politiques pas remises de 2017 qui n'ont pas vraiment fait émerger de nouveaux talents".  

"Potentiellement, l'abstention en 2022 pourrait être très haute, peut-être même au-dessus du record de 2002 pour un 1er tour (28,4%)", abonde Pierre Lefébure, en avançant pour sa part l'hypothèse qu'une remobilisation des électeurs intermittents soit plus que compensée négativement par des défections d'une partie de l'électorat politisé, notamment au sein d'une gauche déçue par des divisions qui la condamnent à jouer les spectateurs. À moins de six mois de l'élection, une enquête Ipsos Sopra Steria pour le Cevipof relève que les interviewés certains d'aller voter ne sont que 59% (contre 67% en septembre 2016). 

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