Le dossier du nucléaire iranien soulève des inquiétudes de plus en plus grandes au sein de la communauté internationale. Dans une interview au Journal du dimanche du 17 janvier, le ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a exprimé ses craintes sur les activités nucléaires de la République islamique, appelant à une réaction immédiate et à un retour des Etats-Unis dans l’accord de 2015 dès l’entrée en fonction de Joe Biden.
« L’Iran – je le dis clairement – est en train de se doter de la capacité nucléaire, a estimé M. Le Drian. Il y a également une élection présidentielle en Iran à la mi-juin. Il est donc urgent de dire aux Iraniens que cela suffit et de prendre les dispositions pour que l’Iran et les Etats-Unis reviennent dans l’Accord de Vienne. »
Cet accord signé entre l’Iran et les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies (France, Royaume-Uni, Russie, Chine, Etats-Unis) plus l’Allemagne, prévoit une levée partielle des sanctions internationales contre Téhéran, en échange de mesures destinées à garantir que ce pays ne se dotera pas de l’arme atomique. Mais le président américain sortant Donald Trump en était sorti unilatéralement en 2018.
« Il y a urgence »
« En sortant de cet accord, l’administration Trump a choisi la stratégie qu’il a appelée de la “pression maximale” contre l’Iran. Le résultat, c’est que cette stratégie n’a fait que renforcer le risque et la menace. Il faut donc enrayer cette mécanique », a estimé le chef de la diplomatie française.
« Cela ne suffira pas, a-t-il toutefois ajouté. Il faudra des discussions difficiles sur la prolifération balistique et les déstabilisations par l’Iran de ses voisins dans la région. Je suis tenu par le secret sur le calendrier de ce genre de dossier, mais il y a urgence. »
La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont d’ailleurs demandé, samedi, à Téhéran de renoncer à la production d’uranium métal, qui marquerait une nouvelle violation de ses engagements pris dans l’accord de Vienne.
« Nous, les gouvernements de l’Allemagne, de la France et du Royaume-Uni, sommes profondément préoccupés par l’annonce par l’Iran qu’il se prépare à produire de l’uranium métal », préviennent les trois pays dans un communiqué commun. L’Iran a indiqué mercredi à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) avancer dans sa production d’uranium métal pour servir de carburant à un réacteur. Le sujet est sensible car l’uranium métal peut être utilisé comme composant pour des armes nucléaires.
En réponse au trio européen, l’Organisation iranienne de l’énergie atomique (OIEA) a fait savoir samedi soir n’avoir pas, à ce stade, « présenté d’information (…) au sujet du design de l’usine d’uranium métal » à l’AIEA. Selon elle, ce sera fait lorsque « les réparations nécessaires auront été effectuées et dans les délais imposés par la loi ».
« De graves implications militaires »
L’OIEA fait référence à la période de cinq mois fixée en décembre 2020 par le Parlement iranien pour que Téhéran prépare l’usine, entre autres dispositions liées à son programme nucléaire. L’organisme a aussi espéré que l’AIEA ne cause pas de nouveaux « malentendus à l’avenir, en s’abstenant de mentionner des détails superflus dans ses rapports ».
L’accord de 2015 comporte une interdiction de quinze ans sur « la production ou l’acquisition de métaux de plutonium ou d’uranium ou leurs alliages ». Il prévoit que l’Iran puisse être autorisé à commencer sa recherche sur la production de combustible à base d’uranium « en petites quantités agréées » au bout de dix ans, mais seulement avec l’autorisation des autres signataires de l’accord.
« L’Iran n’a aucune utilisation civile crédible de l’uranium métal », ajoutent Londres, Berlin et Paris. « La production d’uranium métal peut avoir de graves implications militaires », déplorent-ils. « L’Iran s’est engagé pendant quinze ans, dans le cadre de l’Accord nucléaire de Vienne (ANCV), à ne pas produire d’uranium métal ni à mener des activités de recherche et de développement dans le domaine de la métallurgie de l’uranium », rappellent ces trois pays signataires de l’accord de 2015.
« Nous demandons instamment à l’Iran, dans les termes les plus forts, de cesser cette activité et de reprendre immédiatement ses obligations au titre du Plan d’action global conjoint si l’Iran veut vraiment préserver cet accord », concluent-ils.
Le 4 janvier, les autorités iraniennes avaient déjà annoncé une grave violation de l’accord international en disant reprendre l’enrichissement à 20 % de l’uranium sur le site souterrain de Fordo.
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