Benjamin Hautecouverture : « La future fourniture de sous-marins américains à propulsion nucléaire à l’Australie provoque l’anxiété de Pékin »

Dans un entretien au « Monde », le chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique, spécialiste des questions de désarmement nucléaire, estime que les risques de prolifération nucléaire en Asie sont réels.

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Publié le 08 octobre 2021 à 16h45

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L’annonce, le 15 septembre, que l’Australie allait se doter auprès des Etats-Unis de sous-marins à propulsion nucléaire en lieu et place des navires français conventionnels prévus, a relancé les inquiétudes sécuritaires en Asie. L’exportation de ces technologies n’avait jusqu’à présent eu lieu qu’une fois, en 1958, des Etats-Unis vers le Royaume-Uni. Et les cinq pays dotés de l’arme nucléaire – avec eux la Russie, la France, et la Chine – s’étaient depuis gardés de les partager au nom de la maîtrise des armements. L’Inde, la Corée du Ssud ou même le Japon pourraient à terme se doter de tels navires. La Chine a dénoncé le 30 septembre un accord (dit « Aukus ») qui va « sérieusement aggraver la course aux armements dans la région ».

Benjamin Hautecouverture en 2021.
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La Chine a-t-elle raison d’accuser les Etats-Unis de favoriser la prolifération nucléaire en Asie après la décision de fournir des sous-marins à propulsion nucléaire à l’Australie ?

Comme souvent, ce genre d’accusations relève, pour partie, de l’instrumentalisation politique. La Chine ne fait pas partie des Etats qui, en général, s’émeuvent outre mesure de ce genre de risque régional de sécurité. Sa réaction très vive à l’annonce de la future fourniture de sous-marins américains à propulsion nucléaire à l’Australie est révélatrice de l’anxiété que cette nouvelle a provoquée à Pékin.

Au regard du risque de prolifération nucléaire à l’avenir, je ne peux que partager l’inquiétude officielle chinoise, même s’il ne s’agit pas d’être dupe des motivations de Pékin. Si le nouveau partenariat stratégique anglo-saxon en Indo-Pacifique se traduit effectivement par la fourniture de sous-marins nucléaires, ce que le traité de non-prolifération nucléaire (TNP) n’interdit pas, le régime de non-prolifération mondial sera fragilisé à plusieurs titres.

D’abord, si Canberra se dote de sous-marins dont le combustible est à base d’uranium hautement enrichi, qui est la technologie américaine, le pays devra faire face à une forte contradiction avec sa propre politique de non-prolifération et de sécurité nucléaires : le pays est réputé respecter la résolution 1887 du Conseil de sécurité des Nations unies, adhère aux recommandations du sommet mondial sur la sécurité nucléaire de 2012 et au plan d’action de la conférence d’examen du TNP de 2010, l’action 61 en particulier.

Ensuite, la question de la propulsion nucléaire est l’une des faiblesses historiques du TNP. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) ne pouvant pas exercer ses activités de vérification sur les réacteurs navals, les accords de garanties généralisées conclus par l’Agence permettent, en effet, aux Etats non dotés de l’arme nucléaire de retirer du contrôle les matières qu’ils utilisent pour leurs réacteurs navals militaires. On peut raisonnablement avoir peu d’inquiétudes s’agissant du comportement de l’Australie. Mais que dire du précédent créé pour des Etats moins enclins à respecter la règle ?

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