Le paradoxe du stagiaire diplômé

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Sacré paradoxe que celui du stagiaire diplômé ! Une image qui circulait sur le net résumait parfaitement cette situation absurde : on y voyait un recruteur et un jeune diplômé échangeant une poignée de main.
Jeune diplômé : « Bonjour, j’ai vingt ans et trente ans d’expérience. »
Recruteur : « Vous êtes exactement le profil que nous recherchons ! »

Aujourd’hui, pour espérer décrocher un poste, il est nécessaire d’avoir de l’expérience. Or, pour avoir de l’expérience, il n’y a qu’une seule solution : faire des stages afin d’orner son CV de quelques lignes supplémentaires. Là où l’affaire se corse, c’est que le stage est réglementé et soumis à une convention de stage qui, elle, n’est délivrée qu’aux étudiants. Que deviennent alors les jeunes diplômés ? Eh bien, ils galèrent… D’un côté, les employeurs refusent d’engager un jeune tout juste sorti de fac et donc pas encore rôdé aux spécificités du métier, et de l’autre côté, impossible de décrocher un stage quand on a perdu le statut d’étudiant.

Quand je suis sortie diplômée de mon master 2 édition, je pensais naïvement qu’à grand renfort de lettres de motivation et de CV, il serait possible de trouver un emploi dans une période raisonnable. Après tout, ma fac se vantait que plus de 80 % de la promotion précédente était parvenu à décrocher un job dans les six mois après l’obtention du diplôme. À présent, je pense que soit mes prédécesseurs étaient guidés par une bonne étoile soit l’université maîtrisait l’art de présenter de façon favorable un job de caissier/babysitteur/vendeur/etc.

Il suffit de consulter des sites tels que l’Asfored ou ProfilCulture pour s’apercevoir que la plupart des employeurs réclament une expérience minimum de 2 ans (et là, je parle des postes "juniors", pas des postes à haute responsabilité où il faut être dans le milieu depuis au moins 7 ou 10 ans). D’après mes calculs, deux ans, ce serait donc la durée de stages à cumuler pour espérer voir sa candidature acceptée.

Bien évidemment, Pôle emploi ne délivre pas de conventions de stage et face à ce soutien démesuré, il faut se débrouiller par soi-même. Certes, jusqu’à 25 ans, la mission locale peut nous aider à obtenir un stage pour une durée de 15 jours (quand on a besoin de deux ans d’expérience, ça a l’air tellement dérisoire…). Bref, pour obtenir une convention, les aspirants stagiaires n’ont pas énormément de solutions : ils sont obligés de contourner les règles. Pour ce faire, ils se retrouvent contraints de s’inscrire à des formations bidons uniquement destinées à récupérer le statut d’étudiant tant convoité. Ces formations coûtent cher : environ 450 euros minimum. Et là, point important du paradoxe, ce sont les stagiaires qui payent pour avoir le droit de travailler. Vu les indemnités perçues pour un mois de stage, 500 euros et des poussières, on peut conclure que le premier mois sert principalement à rembourser ses dettes.

Il est intéressant de constater que les employeurs n’ignorent pas non plus la manœuvre. Certaines annonces proposent des stages à partir de septembre pour une durée de six mois. À part de « faux étudiants », j’ai du mal à imaginer des étudiants lambdas réussir à cumuler les heures de stages et les cours à la fac.

Dans d’autres pays d’Europe, notamment le Royaume-Uni et l’Allemagne, il n’est pas nécessaire d’être étudiants pour avoir une convention de stage. J’aimerais bien que la France décide d’imiter ses sympathiques voisins, parce que chez nous, c’est quand même l’art de compliquer les choses pour rien et de priver d’expérience les jeunes diplômés.


Crédit image : Patrick Tomasso on Unsplash

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