Bilan(s)

Hypothèse de départ et désenchantement


Au moment où nous avions eu à réfléchir sur le projet que nous allions mener, en octobre 2011, nous avions dans un premier temps trouvé un mot, "rêve" qui a l'avantage, en plus d'être un substantif, d'être dérivé de la forme verbale "rêver". Qui plus est, c'est le cas dans toutes les langues sur lesquelles nous avions choisi de travailler. Une fois le mot choisi, nous avions décidé de "limiter" notre recherche à un domaine en particulier. Voyant fleurir autour de nous les articles sur les campagnes pour les élections présidentielles à venir, nous avions constaté que chacune des langues sur lesquelles nous allions travailler étaient concernées par cette actualité politique. C'est pourquoi notre choix de recherche s'est fixé sur l'utilisation du mot "rêve" dans les productions écrites du web au sujet des élections présidentielles précédentes et à venir, définissant ainsi un cadre spatio-temporel.

Notre hypothèse était que le mot "rêve" était un mot sans doute très présent dans des discours électoraux qui chercheraient à séduire les électeurs en leur faisant des promesses de changement. Nous avions donc pensé que nous trouverions énormément d'occurrences du mot "rêve" et que pour cette raison nous pouvions travailler sur les blogs des hommes politiques et les sites web des différents partis politiques.

Nous avons cependant assez vite changé de cap car, contrairement à nos espérances, le mot "rêve" n'était pas si fréquent que prévu dans les différents discours politiques. Nous nous sonmmes, et ce pour les quatre langues, alors rabattues uniquement sur les articles de journaux en ligne dans lesquels nous trouvions nettement plus d'occurrences. Peut-être que le mot "rêve" est davantage réservé aux commentateurs qu'aux politiciens qui n'osent pas trop s'aventurer sur le terrain du rêve...

Bilan par langue


  • En français:
  • Il ressort de ce corpus que le mot "rêve" se trouve très fréquemment dans le même contexte. La plupart des URLs récupérées sont issues d'articles de journaux faisant référence à l'élection présidentielle française en avril-mai 2012. Notre corpus ayant été constitué en octobre-novembre 2011, c'est-à-dire juste après les élections primaires socialistes où le candidat François Hollande a été élu, ce qui ressort de notre traitement autour du "rêve", ce sont justement les mots "Hollande", "François", le verbe "rêver", le mot "candidat" et le mot "français". Il est étonnant de remarquer la fréquence de cooccurences des mots "rêve" et "français", comme si le candidat François Hollande calquait son programme de "rêve français" sur le "rêve américain". En effet, François Hollande articule une grande partie de sa campagne autour de cette notion de "rêve français" qui est d'ailleurs le titre de son dernier livre.

  • En anglais:
  • La très grande majorité des articles récupérés en anglais portent évidemment sur les élections présidentielles américaines, qui, déjà au mois de novembre 2011, faisaient beaucoup parler d'elles. Le mot dominant de ce corpus est "Obama", ce qui paraît logique étant donné qu'il s'agit du président sortant, celui qui va bientôt achever son mandat et qui a la possibilité d'en faire un autre. Le deuxième mot qui frappe, notamment à travers les nuages que nous avons constitués, est "American". Outre le fait que cet adjectif peut être logiquement fréquent dans un corpus dominé par les événements américains, il faut bien entendu noter l'importance de syntagme "American Dream" (présent 24 fois dans notre corpus), véritable symbole des valeurs américaines et lié au phénomène de l'immigration. Il est par ailleurs tantôt associé aux candidats qui incarneraient ce rêve, tantôt aux électeurs (en particulier mexicains). Troisième élément dominant: le discours de Martin Luther King "I have a dream" dans le cadre du Mouvement des droits civiques et datant de 1963. Il est, dans ce corpus, comparé à d'autres discours, et bien évidemment rattaché à la question de l'appartenance à une "race" (et par extension à Barack Obama en tant que premier président Noir-Américain).

    Dans une moindre mesure, on trouve également des références au "DREAM Act", loi qui permet le financement des études des étudiants en situation irrégulière et qui a fait l'objet d'un important débat au sein des candidats. A noter qu'il s'agit encore une fois d'une question concernant l'immigration, thème apparemment primordial.

    Dans ce corpus nous avons trouvé peu de sources traitant des élections des autres pays. Les plus notables d'entre elles seraient celles qui concerne the "French dream", traduction du "rêve français", de François Hollande, examiné plus longuement dans la partie "En français".

  • En espagnol:
  • Notre corpus étant constitué en majorité d'articles de journaux concernant les élections présidentielles au Mexique et au Venezuela, il ressort des mots qui reflètent des réalités propres à chacun des deux pays. Concernant le Mexique, on retrouve une majorité d'occurrences du mot "PRI" qui signifie Partido Revolucionario I%nstitucional, qui semble majoritaire (dans notre corpus) par rapport au "PAN" qui est le sigle de Partido Acción Nacional. Notons que ce sont les deux grands partis politiques qui s'opposent. Concernant le Venezuela, il est clair qe le mot le plus fréquent est précisément le mot "Venezuela", ainsi qu'un mot qui correspond tout à fait à ue réalité vénézuelienne qui est "guajiros". Les "guajiros" sont, au sens premier, les habitants de la Guajira, une péninsule qui se trouve entre le Venezuela et la Colombie, mais c'est aussi et surtout le nom qui est donné aux chamans vendeurs de rêves.Ce terme de guajiros est employé un grand nombre de fois au sens figuré. Ce sont les hommes politiques qui sont vus comme des "guajiros".

  • En coréen:
  • Peut-être est-ce dû au trop grand décalage entre les prochaines élections en Corée du Sud (19 décembre 2012) et le moment où nous avons cherché nos URLs, ou peut-être est-ce dû à un défaut d'expertise, mais, contre toute attente, la majorité des URLs coréennes ne porte non pas sur les élections en Corée du Sud, mais sur celles des États-Unis. Le mot dominant les nuages coréens est par ailleurs: 미국, les États-Unis. A partir de là, il n'est pas étonnant de trouver parmi les mots les plus fréquents 바락(Barack), 마틴 (Martin), et, plus important encore, 흑인, littéralement "personne noire". Ce dernier est en réalité le deuxième mot le plus fréquent dans le contexte du nom 꿈. Si les élections des États-Unis semblent lier le mot "rêve" au thème de l'immigration dans le corpus anglais, ce n'est pas du tout le cas du corpus coréen (où les mots "immigration" ou "immigré" n'apparaissent que quatre fois dans l'ensemble du DUMP) qui lui préfère le thème de l'appartenance raciale.

    Le deuxième sujet qui ressort de cette étude du corpus coréen est celui de l'égalité des sexes. En effet, 여성 (la femme) apparaît comme le quatrième mot le plus fréquent d'après nos nuages, après le mot "rêve" bien sûr et les mots cités précédemment. Rappelons que la Corée du Sud est un pays dont la culture confucianiste orchestre la vie en société. Par ailleurs en y regardant de plus près, on remarque le nom -à peine plus petit que Luther King- de 힐러리 클린턴 (Hillary Clinton), celle qui aurait pu devenir la première femme présidente des États-Unis en 2008. Mais ce qui pourrait surprendre surtout, c'est que le nom de Hillary Clinton est souvent associé à deux autres noms dans la presse: 루아얄 (Royal) et 박근헤 (Park Geunhye), elles aussi battues lors des dernières élections présidentielles, respectivement en France et en Corée du Sud, et elles aussi visibles dans les nuages générés, alors que Sarkozy et Lee Myung-Bak en sont absents! Toutefois, la cooccurrence avec le mot "rêve" n'est pas forcément signe d'espoir: en regardant dans le fichier des contextes, on remarque qu'il est souvent employé avec des verbes péjoratifs tels que dans 꿈 꺾인 (dont le rêve se brise), 꿈 무산되나 (un rêve qui disparaît) ou encore 꿈좌절 (fin d'un rêve). Ce constat va dans le sens de la remarque faite en partie 1 sur la notion de "vanité" dans le rêve coréen.